Coiffe awajun, détail

Sébastien Baud

Ethnologue

Je suis en haute Amazonie occidentale, proche du haut Marañón. Je suis avec un ami awajun. Nous marchons en forêt, dans une balade botanique. Carnet et crayon dans une main, appareil photographique dans l'autre, j'apprends à reconnaître et à nommer dans sa langue les plantes rencontrées, lorsque nous tombons "nez à feuilles" avec la liane Banisteriopsis caapi, que les Awajun appellent datem ou ayahuasca. Un heureux hasard, tant elle est rare aujourd'hui à l'état sauvage. Il en est tout excité, et moi aussi. Notre découverte deviendra une intoxication rituelle. A l'aide de sa machette, il arrache les petites plantes tout en cercle autour du pied, geste signifiant un lien d'appartenance : toute personne qui découvrirait la liane le respectera. Nous revenons auprès d'elle quelques jours plus tard, à jeun. Avant d'en couper des morceaux tout en haut, "pour ne pas la manger toute entière", mon ami accroche en silence un bout de tissu d'une seule couleur, détaché d'un vieux vêtement à lui. Ce geste trouve plusieurs explications esthétiques.

Une esthétique, dans sa dimension étymologique d'aisthesis, en ce qu'elle porte la question du sentir et du percevoir. Que sentons-nous? A quoi prêtons-nous notre attention? Que voyons-nous et qu'est-ce qui nous regarde, au sens même de qu'est-ce qui nous porte?

 

Banisteriopsis caapi

 

Pour lire la suite, c'est ici : Drogues, santé et société, un numéro dirigé par Marc Perreault, à paraître.